DE CASTELNAU // CÉLINE ESCOUTELOUP
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Quartier: Parc-Extension || Intersections: De Castelnau, St. Laurent
Mise en service: 1986 || Architecte: Goyer, Collete, Hamelin & Lalonde
Artiste: Jean-Charles Charuest || Autobus: 55, 92, 93

Céline Escouteloup, 27
Poète

Céline est d’une sagesse rare. Un regard intoxicant exigeant quelque chose de plus profond. Une intimité dépaysante, une force qui se délecte de sa vulnérabilité. Un appel au rapprochement. Une magie insensée. Une épidémie de Beau. Une éphémérité intemporelle. Vertige viscéral.

Céline est née poète. Gamine, elle se transmettait par un monde imaginaire très riche, avec la conviction que quelque chose de très singulier se développait en elle qui n’appartenait qu’à elle seule et pas aux autres enfants. Très vite, Elle voulait écrire des histoires, mais n’en avait évidemment pas les ressources : ni les mots, ni la pensée. Cette soif immense d’expression, et cette impression d’avoir toujours un oeil décalé sur les choses, se sont traduites en inventions d’écriture à l’adolescence. A cette étape-là, «des motifs d’ordre psychologique bien moins constructifs» l’ont poussée très fort vers la bulle d’écriture. Comme toute adolescente, le monde autour d’elle n’allait pas bien, et puis elle ne comprenait pas bien ce qu’elle faisait là, qui elle pouvait bien être. Alors elle cherchait à se créer une parenthèse d’isolement par rapport à un monde qu’elle n’acceptait pas bien, autant qu’un moyen de comprendre, de se comprendre, et d’affirmer une singularité qu’elle ne voyait pas valorisée.

Elle juge qu’après son adolescence et jusqu’à aujourd’hui l’écriture se fait maintenant avec son public, pour son public, qu’elle lui semblerait absurde sans ça. Elle ne cherche plus un repli, mais au contraire une ouverture. Son âme «ne se regarde plus le nombril». Elle cherche l’âme de l’autre. Singularité, oui, mais vers un universel. C’est radicalement différent, et c’est à cet endroit-là que l’art devient art.

En 2007 elle quitta sa commune natale de Bordeaux en direction de Paris où elle s’établit dans un petit coin bohème entourée de voisins et camarades saisissants. Photographes, musiciens, peintres, amours. Des rêveurs, quoi.

En 2012, elle publia Le ventre vide, sson premier recueil de poésie, qui touche sur «L’amour, la vie, la mort, la ville, le corps, le moi, le voyage, la solitude, le monde et peu importe, apparences fugitives et pourtant brûlantes L’amour, la vie, la mort, la ville, le corps, le moi, le voyage, la solitude, le monde et peu importe, apparences fugitives et pourtant brûlantes». Ses mots ont aussi été publiés dans plusieurs revues littéraires, incluant Libelle, Les cahiers du Sens, Verso, Flammes Vives, et Décharge. Elle est la lauréate du prix 2013 «espoir de la poésie» du Salon Orange.

À Montréal depuis juillet 2013, Céline vit à Parc-Extension, où elle s’inspire d’un compromis entre les endroits plein de vie, de mouvement, de création, de friperies, de cafés, de couleurs et d’odeurs, et la plus grande tranquillité. Elle apprécie la richesse culturelle et le bien-être qu’on y trouve. Là, on sourit, on écoute de beaux airs folk rock, et on fait de belles rencontres. Le Mile-Ex, c’est animé, et encore en développement : donc champ libre aux innovations et à la créativité, comme le montrent ses galeries, dont une qu’elle aime particulièrement, et où elle travaille, le Eastern Bloc.

Elle est partie de la France non pas parce qu’elle n’aime pas son pays, mais parce qu’elle avait besoin d’explorer et de découvrir la terre natale d’amis et amours québécois rencontrés en Europe. Elle avait besoin de bouleverser les choses et de se mettre volontairement en dehors des sentiers battus. Elle avait besoin de quitter la course contre le temps et pour l’argent propre à Paris, et de trouver plus d’espace et de tranquillité pour sa création. Ce qui n’est pas encore tout-à-fait le cas, car une immigration vient toujours avec «son lot de tout un tas de questions administratives, pratiques et financières, foncièrement anti-poétiques».

Elle travaille présentement sur plusieurs projets de nature théâtrale cinématique multidisciplinaires, un nouveau recueil de poésie, et un livre sur le métro. Ce dernier examine «l’endroit ordinaire et extraordinaire d’inhumanité autant que d’humanité» qui est notre métro et les moyens par lesquels «cette sphère publique-là questionne profondément la sphère privée».

La poésie, c'est aussi toute une philosophie de vie qui consiste à aimer le beau, le vrai, à écouter la petite musique viscérale que l'on a à l'intérieur, à ne pas se laisser toucher par bien des agressions du monde néolibéral dans lequel nous vivons. C'est se souvenir de son propre rythme, de sa propre tonalité, de la beauté de la différence. C'est réinvestir l'émotion dans le langage et dans la vie. Bref c'est aussi un enfer, dans le sens où c'est une position radicalement opposée au monde qui voudrait nous être imposé, dans lequel argent, quantité, consommation, transaction, uniformisation, productivité, rythme effrené, oubli de sa personne, routine, banalité, angoisse et dépression sont les maîtres-mots.

“La poésie, c’est aussi toute une philosophie de vie qui consiste à aimer le beau, le vrai, à écouter la petite musique viscérale que l’on a à l’intérieur, à ne pas se laisser toucher par bien des agressions du monde néolibéral dans lequel nous vivons. C’est se souvenir de son propre rythme, de sa propre tonalité, de la beauté de la différence. C’est réinvestir l’émotion dans le langage et dans la vie. Bref c’est aussi un enfer, dans le sens où c’est une position radicalement opposée au monde qui voudrait nous être imposé, dans lequel argent, quantité, consommation, transaction, uniformisation, productivité, rythme effrené, oubli de sa personne, routine, banalité, angoisse et dépression sont les maîtres-mots.”

Mes mots préférés? Bobette chair interlude funambule lueur vibration émerveillement délicatesse féminité chaleur vaporeux sang intensité bouche abracadabra topinambours vertigineux aérien brûlure éclabousser pureté grésillement insuffler bergamote gingembre psychédélique mysticisme incantation rouge cramoisi quintessence évanouissement sauvage  cacophonie pieds nus écarquillé nénuphar ronronnement éphémère blottie visage étrange écho secret frôlement suggestion partition fêlure envolée balançoire parapluies océan suave cri explosion blancheur drapé impromptu.» width=

“Mes mots préférés? Bobette chair interlude funambule lueur vibration émerveillement délicatesse féminité chaleur vaporeux sang intensité bouche abracadabra topinambours vertigineux aérien brûlure éclabousser pureté grésillement insuffler bergamote gingembre psychédélique mysticisme incantation rouge cramoisi quintessence évanouissement sauvage cacophonie pieds nus écarquillé nénuphar ronronnement éphémère blottie visage étrange écho secret frôlement suggestion partition fêlure envolée balançoire parapluies océan suave cri explosion blancheur drapé impromptu»

"Me manquent, beaucoup, très beaucoup, très très très beaucoup, là maintenant : les rues mouillées de Paris, les escaliers de Montmartre, ceux de ma résidence dans mon Marais, m'asseoir sur le toit, me manquent les terrasses des jolis cafés aux glaces Bertillon, me manquent les drames, les tragédies, les larmes sous les parapluies, les rencontres pleines de fascination, les jeux de séduction hommes-femmes à n'en plus finir, le déchirement et l'intensité avec les talons qui claquent sur les pavés et la robe légère, toutes mes petites histoires imaginaires, me manque la lumière de la Place des Vosges, me manque, la sensualité, le raffinement, les ascenseurs en bois avec les petites grilles qui sentent la cire d'autrefois,  me manque le secret, l'église majestueuse à côté de laquelle je vivais, toute la beauté imposante de chaque bâtiment, relief ou sculpture, me manquent les sourires en coin, me manquent ces soirs tardifs ou ces dimanche matin où j'allais m'effondrer seule dans un fauteuil rouge de cinéma à quelques mètres de la maison, à l'improviste, ou encore ces nuits que je laissais tomber en humant l'air doux, enveloppant et parfumé, seule dans le noir de la grande cour privée, les grandes allées des jardins, le ciel, la spontanéité avec laquelle parfois, en ballerines et à peine vêtue, j'allais dehors, ou bien chez ma voisine, les petits bateaux dans les fontaines, le Pont des Arts, les verres de kir et de vin blanc sur les terrasses pour l'apéro, les dentelles, les formes et les imprimés fleuris des robes, me manquent les visites au petit matin et la nuit du Louvre en tête-à-tête avec les statues, la salle Pleyel, l'amour des livres et de la culture, me manque parfois l'amour de la complexité et des noeuds dans la tête, mais juste parfois, me manquent parfois la tonne de codes sociaux et comportementaux français avec laquelle on pouvait s'amuser, mais juste parfois, me manque le théâtre Athénée, le Bataclan, la Fée Verte, me manque le piano de mon amour d'alors que j'entendais toujours dans l'appartement d'à côté, mes amants, me manquent les milliers de vitrine remplies d'éloges à la féminité, me manque le bordel sur les places après le marché, le musée Rodin, les discussions toute la nuit durant à la lueur d'une cigarette, l'intimité des ruelles cachées, me manquent les petites librairies, les promenades sur les quais avec un argentique en bandoulière, me manque le 18e et sa folie, le 11e et sa folie, les longues marches dans les rues et dans les cimetières, me manquent, les flâneries sur le Canal Saint Martin et ses cafés délicieux, les croissants et chocolatines de la meilleure des boulangeries en bas de chez moi, le folklore de la Main d'Or, me manquent, tous ces lieux chargés de beauté historique et le sentiment de lui appartenir et de devoir être digne de toutes ces splendeurs transmises, me manque la statue de mon petit square préféré dans le Marais, les promenades au petit matin au Palais Royal pour aller au travail, me manquent les bars juifs aux ambiances incroyables la nuit, l'art street de Miss Tic, et tout ce rêve, cette élégance, cette exigence, cette passion, ces mots, cette délicatesse, cette fragilité, cette subtilité, cette sensibilité, cette psychologie et toute cette beauté à chaque coin de rue et toute cette inspiration, cette élévation, et puis merde, me manque surtout : la bulle que je m'étais créée, un Paris d'antan, et elles, les belles âmes à coeurs battants qui m'entouraient dans mes illusions non moins réelles."

“Me manquent, beaucoup, très beaucoup, très très très beaucoup, là maintenant : les rues mouillées de Paris, les escaliers de Montmartre, ceux de ma résidence dans mon Marais, m’asseoir sur le toit, me manquent les terrasses des jolis cafés aux glaces Bertillon, me manquent les drames, les tragédies, les larmes sous les parapluies, les rencontres pleines de fascination, les jeux de séduction hommes-femmes à n’en plus finir, le déchirement et l’intensité avec les talons qui claquent sur les pavés et la robe légère, toutes mes petites histoires imaginaires, me manque la lumière de la Place des Vosges, me manque, la sensualité, le raffinement, les ascenseurs en bois avec les petites grilles qui sentent la cire d’autrefois, me manque le secret, l’église majestueuse à côté de laquelle je vivais, toute la beauté imposante de chaque bâtiment, relief ou sculpture, me manquent les sourires en coin, me manquent ces soirs tardifs ou ces dimanche matin où j’allais m’effondrer seule dans un fauteuil rouge de cinéma à quelques mètres de la maison, à l’improviste, ou encore ces nuits que je laissais tomber en humant l’air doux, enveloppant et parfumé, seule dans le noir de la grande cour privée, les grandes allées des jardins, le ciel, la spontanéité avec laquelle parfois, en ballerines et à peine vêtue, j’allais dehors, ou bien chez ma voisine, les petits bateaux dans les fontaines, le Pont des Arts, les verres de kir et de vin blanc sur les terrasses pour l’apéro, les dentelles, les formes et les imprimés fleuris des robes, me manquent les visites au petit matin et la nuit du Louvre en tête-à-tête avec les statues, la salle Pleyel, l’amour des livres et de la culture, me manque parfois l’amour de la complexité et des noeuds dans la tête, mais juste parfois, me manquent parfois la tonne de codes sociaux et comportementaux français avec laquelle on pouvait s’amuser, mais juste parfois, me manque le théâtre Athénée, le Bataclan, la Fée Verte, me manque le piano de mon amour d’alors que j’entendais toujours dans l’appartement d’à côté, mes amants, me manquent les milliers de vitrine remplies d’éloges à la féminité, me manque le bordel sur les places après le marché, le musée Rodin, les discussions toute la nuit durant à la lueur d’une cigarette, l’intimité des ruelles cachées, me manquent les petites librairies, les promenades sur les quais avec un argentique en bandoulière, me manque le 18e et sa folie, le 11e et sa folie, les longues marches dans les rues et dans les cimetières, me manquent, les flâneries sur le Canal Saint Martin et ses cafés délicieux, les croissants et chocolatines de la meilleure des boulangeries en bas de chez moi, le folklore de la Main d’Or, me manquent, tous ces lieux chargés de beauté historique et le sentiment de lui appartenir et de devoir être digne de toutes ces splendeurs transmises, me manque la statue de mon petit square préféré dans le Marais, les promenades au petit matin au Palais Royal pour aller au travail, me manquent les bars juifs aux ambiances incroyables la nuit, l’art street de Miss Tic, et tout ce rêve, cette élégance, cette exigence, cette passion, ces mots, cette délicatesse, cette fragilité, cette subtilité, cette sensibilité, cette psychologie et toute cette beauté à chaque coin de rue et toute cette inspiration, cette élévation, et puis merde, me manque surtout : la bulle que je m’étais créée, un Paris d’antan, et elles, les belles âmes à coeurs battants qui m’entouraient dans mes illusions non moins réelles.”

"Montréal, c'est une grande ville, mais une grande ville au pouls de campagne. On y vit à son rythme, on peut y apprécier une certaine lenteur, on peut s'écouter, prendre le temps de vivre. C'est l'amour du fun, et l'humour, c'est tout un art de vivre, alors bravo. J'apprends aussi, de plus en plus, à être bien moins obsédée par mon image. J'apprends à ne pas avoir le sentiment de toujours devoir être brillante, verbeuse, spéciale, mais juste d'être ce que je suis. J'apprends à cultiver un certain confort de vie au quotidien, même si je crois que j'ai traversé l'océan avec dans ma valise mes tendances naturelles au travail excessif et aux projets ambitieux...On y ressent, aussi, une grande fraternité, dès lors qu'on entre dans le quotidien ou l'intimité des gens d'ici. Mais il y a aussi, comme partout ailleurs, ce que je déteste : la dictature du capitalisme, celle qui fait des petits robots incultes aux mouvements rigides et brutaux, aux regards froids, qui n'ont que faire avec le monde qui les entoure et leurs paysages émotifs et sensibles intérieurs. Il suffit d'aller au centre ville. Là on ne voit plus trace d'humanité ni d'organique. Il peut y avoir aussi, ici, une forme d'inculture assez grande, qui est quasiment valorisée, et quelque chose de vraiment superficiel dans les relations. Alors comme partout, je fais mon petit univers à moi, et je crée mon Montréal."

“Montréal, c’est une grande ville, mais une grande ville au pouls de campagne. On y vit à son rythme, on peut y apprécier une certaine lenteur, on peut s’écouter, prendre le temps de vivre. C’est l’amour du fun, et l’humour, c’est tout un art de vivre, alors bravo. J’apprends aussi, de plus en plus, à être bien moins obsédée par mon image. J’apprends à ne pas avoir le sentiment de toujours devoir être brillante, verbeuse, spéciale, mais juste d’être ce que je suis. J’apprends à cultiver un certain confort de vie au quotidien, même si je crois que j’ai traversé l’océan avec dans ma valise mes tendances naturelles au travail excessif et aux projets ambitieux…On y ressent, aussi, une grande fraternité, dès lors qu’on entre dans le quotidien ou l’intimité des gens d’ici. Mais il y a aussi, comme partout ailleurs, ce que je déteste : la dictature du capitalisme, celle qui fait des petits robots incultes aux mouvements rigides et brutaux, aux regards froids, qui n’ont que faire avec le monde qui les entoure et leurs paysages émotifs et sensibles intérieurs. Il suffit d’aller au centre ville. Là on ne voit plus trace d’humanité ni d’organique. Il peut y avoir aussi, ici, une forme d’inculture assez grande, qui est quasiment valorisée, et quelque chose de vraiment superficiel dans les relations. Alors comme partout, je fais mon petit univers à moi, et je crée mon Montréal.”

C'est probablement ma conscience accrue de l'éphémère et mon désir, paradis autant qu'enfer, de me réaliser le plus possible d'ici ma mort. Intensité. Et grande pression. Ce qui passe, beaucoup, par ma création, et la faculté d'être émerveillée. C'est pour ça que je garde les yeux grand ouverts. Je consacre ma vie au Beau, enfin j'essaie...

“C’est probablement ma conscience accrue de l’éphémère et mon désir, paradis autant qu’enfer, de me réaliser le plus possible d’ici ma mort. Intensité. Et grande pression. Ce qui passe, beaucoup, par ma création, et la faculté d’être émerveillée. C’est pour ça que je garde les yeux grand ouverts. Je consacre ma vie au Beau, enfin j’essaie…”